Le 15 novembre 2021, la loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique (REEN) a été officiellement promulguée, une première mondiale.
Issue d’une proposition de loi déposée par les sénateurs Guillaume Chevrollier et Jean-Michel Houllegatte, la loi REEN propose une série de mesures pour favoriser un numérique sobre, responsable et écologiquement vertueux en France. Si les ambitions du texte ont été revues à la baisse, notamment sur les obligations pensant sur les producteurs, la loi REEN va dans le bon sens pour réduire l’impact environnemental du numérique en France.
Le 5 grands enjeux de la loi REEN
Cette loi s’appuie sur les recommandations du rapport de la mission d’information sur l’empreinte environnementale du numérique. Selon ce rapport, si rien n’est fait, le numérique représentera 7 % des émissions de GES de la France à l’horizon 2040, contre 2 % aujourd’hui.
#1 Sensibiliser et faire prendre conscience de l’impact environnemental du numérique
Dès 2022, loi REEN propose de sensibiliser à la sobriété numérique dès l’école et à l’entrée à l’université.
Un module sur l’écoconception des services numériques sera également inclus dans les formations d’ingénieur en informatique.
Enfin un observatoire des impacts environnementaux du numérique va être créé auprès de l’ADEME et de l’ARCEP.
#2 Limiter le renouvellement des appareils numériques
La fabrication des terminaux représente
de l’empreinte carbone du numérique en France*
des Français possèdent un téléphone mobile ou un smartphone en 2021
(Edition 2021 du » Baromètre du numérique « )
Durée moyenne de renouvellement d’un smartphone*
* Selon le Rapport d’information sur l’empreinte environnementale du numérique (juin 2020)
Alors que la fabrication des terminaux numériques (smartphones, tablettes, ordinateurs …) représente 70% de l’empreinte carbone du numérique en France, l’un des principaux leviers pour réduire l’impact du numérique est d’allonger la durée vie des appareils numériques.
Pour allonger la durée de vie des produits, la loi propose plusieurs mesures :
- Rendre plus opérationnel le délit d’obsolescence programmée ;
- Renforcer la lutte contre l’obsolescence logicielle ;
- Informer le consommateur des caractéristiques essentielles de chaque mise à jour de son appareil numérique, « notamment l’espace de stockage qu’elle requiert, son impact sur les performances du bien et l’évolution des fonctionnalités qu’elle comporte ».
Par ailleurs, la loi interdit :
- aux fabricants de rendre impossible la restauration de l’ensemble des fonctionnalités d’un terminal réparé ou reconditionné ;
- les techniques empêchant le consommateur d’installer les logiciels ou les systèmes d’exploitation de son choix sur son appareil au bout d’un délai de deux ans.
#3 Favoriser des usages numériques écologiquement vertueux
La loi prévoit un référentiel général d’écoconception des services numériques, fixant des critères de conception durable des sites web à partir de 2024.
Sur proposition des députés, le démarchage téléphonique via des automates d’appels est strictement encadré. L’ARCEP pourra interdire l’utilisation de certains numéros.
#4 Promouvoir des datacenters et des réseaux moins énergivores
Avec la loi REEN, les datacenters qui réduisent leur impact environnemental pourront bénéficier d’un tarif réduit de la taxe intérieure de consommation finale d’électricité (TICFE) dès 2022. Le décret doit préciser l’indicateur retenu pour évaluer leurs bonnes pratiques environnementales : Power Usage Effectiveness ou Water Usage Effectiveness.
#5 Promouvoir une stratégie numérique responsable dans les territoires
En matière de stratégies numérique responsable, les collectivités françaises seront moteur sur le sujet. En effet, dès 2025, les communes et leurs intercommunalités de plus de 50 000 habitants devront élaborer une stratégie numérique responsable.
Plusieurs collectivités ont d’ailleurs choisi de structurer leur démarche dans le cadre de la labellisation Numérique Responsable. Le nouveau référentiel NR a d’ailleurs été décliné spécifiquement pour les collectivités territoriales.
En parallèle les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) devront intégrer l’enjeu de la récupération de chaleur des centres de données.
Les limites de la loi REEN
Si la loi REEN est une première mondiale, le texte adopté par le Sénat le 2 novembre est moins ambitieux que la proposition de loi.
Nous aurions encore pu améliorer la proposition de loi REEN, mais le calendrier parlementaire ne le permet plus.
– Patrick Chaize, Sénateur à l’origine de la proposition de loi
Allongement de la durée de vie : des obligations limitées pour les fabricants
Finalement, l’allongement de la garantie des appareils numériques de deux à cinq ans n’a pas été retenu dans la loi REEN. Si ce dernier avait été voté, l’utilisateur aurait pu recevoir les mises à jour système de ses appareils pendant 5 ans, réduisant ainsi l’obsolescence programmée des terminaux.
De la même manière, les fabricants ne seront finalement pas tenus de dissocier la mise à jour de « confort » et la mise à jour de « sécurité ».
Peu d’avantages pour le reconditionné
En première lecture, le Sénat avait proposé une « taxe verte » pour les produits reconditionnés. Ces derniers auraient ainsi bénéficié d’une TVA réduite à 5,5%. Une mesure qui n’a pas résisté à la navette parlementaire.
Pire encore, alors que le secteur du reconditionné bénéficiait d’une exonération de la rémunération pour copie privée, les Députés ont acté l’application de la redevance lors de l’examen de la loi, sous la pression du monde de la culture. Cette taxe est collectée auprès des fabricants ou importateurs de matériels de stockage (clé USB, disques durs externes…) et bénéficie aux auteurs. Alors que cette exonération incitait les consommateurs à privilégier les produits de seconde main, ils devront désormais verser 10 euros supplémentaires par produit acheté.
Rétroliens/Pings